La communication en ligne, au service de la contestation climatique

Les jeunes sont de plus en plus nombreux à se révolter pour la question du réchauffement climatique. Les mouvements tels qu’Extinction Rebellion (XR) et Youth for Climate ont compris que, pour mobiliser un maximum de personnes, les réseaux sociaux pouvaient être un atout. Ce type de communication sert-il à la contestation? Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de Jean Sobczak et Julie Schümmer, respectivement membres de l’équipe communication des mouvements Extinction Rebellion (XR) et de Youth for Climate.

Comme beaucoup de mouvements de contestation, XR et Youth for Climate sont présents sur les réseaux sociaux. Ils utilisent ce médium principalement pour communiquer à propos des actions qu’ils mènent sur le terrain, en créant des événements sur Facebook notamment. Twitter et Instagram sont aussi des incontournables. Plus spécifiquement, Youth for Climate communique également via des applications comme Discord, WhatsApp ou encore par mail. Selon Julie Schümmer, «les mails sont plus formels et servent à atteindre des personnes de différentes organisations. Whatsapp permet de communiquer en temps réel pendant les actions ou lorsqu’une réponse rapide est requise. Discord permet d’avoir un endroit où toutes les informations importantes sont centralisées». Ce mouvement essaye aussi d’être présent dans des médias plus traditionnels, tels que la presse, la télé et la radio. XR, quant à lui, utilise principalement les réseaux sociaux pour signaler ses actions, mais aussi afin de créer une sorte de coalition avec d’autres mouvements du même type, comme Youth for Climate ou encore Greenpeace. Cela se passe principalement via le partage de certains contenus.

L’utilité d’une présence en ligne

«La présence en ligne est indispensable, car elle permet de mobiliser un maximum de personnes et au mouvement de prendre de l’ampleur», explique Jean Sobczak, de XR. La participation est favorisée et la transmission d’informations, simplifiée, même si la relation entre XR et les réseaux sociaux tels que Facebook est assez ambiguë. En effet, «le mouvement n’entretient pas de grandes affinités avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui ne sont pas connus pour être très écolos. Mais il faut se rendre à l’évidence, si nous n’utilisons pas ces outils-là, c’est impossible de toucher le plus grand nombre, car notre objectif est de mobiliser en masse. Cela fait entièrement partie de la stratégie du mouvement à long terme». Cela étant, comme l’équipe de communication de XR le précise, d’autres moyens de communication sont utilisés, comme des petites conférences, baptisées «XR Talk». Celles-ci permettent de créer une relation plus «intime» avec les participants qui ont l’occasion de poser des questions et d’interagir dans un cadre plus restreint. «Cela permet aussi d’inciter les gens à l’action, ce qui est un des buts principaux de XR.» Les posts sur les réseaux sociaux et ces conférences fonctionnent donc en parallèle et sont les moyens de communication principaux du mouvement.

 

«La présence en ligne est indispensable, car elle permet de mobiliser un maximum de personnes et au mouvement de prendre de l’ampleur», explique Jean Sobczak, de XR

 

Pour Youth for Climate, la présence en ligne est également indispensable: «Lorsque la page prend de l’ampleur, que notre message est partagé via les réseaux, on peut parler de mobilisation concrète via Internet. Et surtout lorsqu’il y a de nouvelles actions qui s’organisent, il permet alors de tenir les jeunes au courant des lieux de rendez-vous et de l’horaire, et donc de toucher rapidement un maximum de personnes.»

Les jeunes, un public décisif

Les réseaux sociaux sont ciblés, surtout pour mobiliser les jeunes qui sont très actifs sur ces plateformes. Et particulièrement pour Youth for Climate, qui, comme le nom l’indique, a pour cible la frange la plus jeune de la population: «Les réseaux sociaux servent à se rapprocher des personnes qui suivent les idées du mouvement et à garder les gens au courant de ce qu’il se passe au sein de l’organisation. Ainsi, les jeunes peuvent suivre l’avancement et l’impact que le mouvement a au fil du temps. C’est donc devenu l’outil le plus simple pour avoir un contact direct et facile avec la jeunesse.»

Cependant, selon Jean Sobczak, bien que les jeunes soient une des cibles d’Extinction Rebellion, ils sont plus difficiles à toucher, en tout cas en Belgique, sans doute en raison du fait qu’il existe une diversité d’autres mouvements du même type, qui sont plus orientés «jeunes», comme Youth for Climate. Ils ont alors le réflexe de se tourner vers ce genre de mouvement.

Mais les jeunes ne sont pas pour autant moins révoltés. On a pu le voir notamment lors des marches pour le climat organisées l’année passée: la mobilisation des jeunes est bien présente, malgré une certaine baisse de fréquentation au fil des mois. «On remarque une diminution du nombre de jeunes présents aux marches centralisées, mais une augmentation assez importante des actions organisées à travers la Belgique», relève Julie Schümmer. Pour Jean Sobczak, «il y a une réelle prise de conscience, les jeunes sont sensibilisés à la question climatique comme on a pu le voir lors des marches hebdomadaires ayant eu lieu l’année passée». Selon lui, et pour XR en général, la prochaine étape est d’aller un cran plus loin: «Il s’agit de proposer aux jeunes de participer à des actions de désobéissance civile ou de faire des actions plus directes, qui pourraient éventuellement avoir des changements plus concrets.»

Les mouvements climatiques ont donc tout à gagner à communiquer en visant cette partie de la population: «Les jeunes sont l’élément clé en termes de mobilisation puisque, jusqu’ici, les manifestations et protestations étaient perçues comme un acte “adulte”. Les jeunes pensaient qu’il fallait en connaître tout un rayon sur la politique ou le climat pour avoir une certaine légitimité à descendre dans la rue», souligne Julie Schümmer. Leur mobilisation, s’ajoutant à celle de leurs aînés, permet de faire plus de bruit et de peser plus lourd dans la balance. Ceux qui sortent dans les rues afin de faire entendre leurs revendications ne sont donc plus des cas à part, qui seraient en marge de la société, mais des citoyens lambda qui ont peur pour leur avenir. De plus, «cela rend le sujet plus actuel et donne du poids à l’urgence».

On le voit, il existe bien une codépendance entre communication et contestation. Pour Jean Sobczak, «sans la communication, la mobilisation ne fonctionne, en général, pas. Et si la mobilisation fonctionne, les médias la suivent et relaient». Pour Julie Schümmer, «si l’on conteste quelque chose sans le communiquer, alors il n’y aura pas d’impact et la situation n’aboutira nulle part». Il y a donc nécessité d’entretenir ce que l’on pourrait appeler un «cercle vertueux», afin que la résonance soit maximale et que les résultats aient le plus d’impact.

 

Le mouvement Extinction Rebellion (XR) est créé en mai 2018 au Royaume-Uni, mais prend de l’ampleur et devient international au fil des mois. En Belgique, c’est à partir du début de l’année 2019 que XR se développe. Il se décrit comme un mouvement social, mais qui veut aller au-delà des revendications climatiques (en demandant une démocratie plus directe par exemple). Il part de trois constats avec, premièrement, les faits scientifiques catastrophiques. En effet, selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), plus de trois quarts de la planète sont exploités par les humains, et la température moyenne a augmenté de 0,87 °C. Ensuite, selon XR, le système politique actuel, qui comporte des verrous à différents niveaux, empêche l’action radicale et rapide. Et enfin, la désobéissance civile de masse apporte, selon ce mouvement, de réels changements. Et de citer l’exemple de Rosa Parks: en refusant de céder son siège à une personne blanche, elle commit un acte de désobéissance civile qui aura marqué les esprits et changé l’Histoire. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
XR n’est pas novice en termes d’action et de protestation. Le 18 janvier, à l’occasion du Salon de l’auto à Bruxelles, une centaine d’activistes se sont mobilisés. Ils demandaient une plus grande considération de l’urgence climatique dans le secteur de l’automobile, notamment concernant les émissions de CO2. Certains se sont menottés à des voitures en exposition et du faux sang a été étalé sur certaines d’entre elles. Lors d’un spectacle de son et lumière ayant eu lieu sur la Grand-Place fin 2019, plusieurs membres étaient présents afin de lire à haute voix une «déclaration de rébellion». Leurs voix ont cependant été étouffées par la musique qui a repris de plus belle, afin de diminuer l’ampleur de leurs revendications. Un autre rassemblement avait déjà eu lieu dans les jardins du palais royal en octobre dernier. Le palais étant un lieu où il est interdit de manifester, la police est intervenue de manière assez musclée, et a gazé un professeur de l’UCL, Olivier De Schutter. À la suite de cet événement, une enquête a été ouverte. Mais le mouvement œuvre aussi à l’étranger. Deux «Semaines internationales de la rébellion» ont déjà été organisées. Lors de la première, 33 pays ont été le berceau de divers mouvements de protestation, avec des actions dans 80 villes. Lors de la deuxième, des villes telles que Berlin, Londres, Paris ont été touchées, particulièrement par le blocage de certains lieux publics (centres commerciaux, places…).
Youth for Climate est un mouvement apolitique fondé par Anuna de Wever et Kyra Gantois. Son but est d’envoyer un signal clair au prochain gouvernement: il devra être «climatique». Pour le mouvement, «la politique climatique actuelle, tant locale, nationale qu’internationale, n’est pas assez ambitieuse et ne peut pas nous offrir un bon avenir». Il a donc comme revendication principale l’inaction du gouvernement face à la situation climatique actuelle, qui est trop souvent reléguée au second plan. La mobilisation est alors primordiale afin de faire bouger les choses, et ce le plus vite possible. Pour Youth for Climate, ce n’est pas à eux de trouver des solutions, mais ils espèrent que l’expertise, trop souvent ignorée, d’experts climatiques sera prise en compte.
Youth for Climate est connu pour l’organisation des marches pour le climat, organisées chaque jeudi depuis le mois de janvier 2019 et ayant mobilisé beaucoup de jeunes. Le 15 mars 2019 a eu lieu la première «Global Strike for Future». Près de 30.000 jeunes s’étaient mobilisés afin de faire entendre leurs revendications concernant la situation climatique actuelle et ses conséquences futures. Ce jour-là, des marches se sont organisées un peu partout en Belgique, notamment à Anvers, Mons et Louvain-la-Neuve. La deuxième grève date du 24 mai et fêtait les 19 semaines consécutives de marches hebdomadaires. Environ 7.500 personnes ont été manifester dans les rues. Youth for Climate avait aussi appelé les syndicats à se joindre à eux. Plusieurs activistes se sont rassemblés lors d’une action-surprise au Parlement européen le 19 novembre 2019. Environ 40 personnes sont venues demander aux membres du Parlement de prendre en considération les enjeux climatiques lors de l’élaboration de la Commission européenne. La mobilisation la plus récente s’est déroulée le vendredi 6 mars dernier. À 14 h, les manifestants, qui avaient comme point de rassemblement la gare Centrale, se sont mis en marche pour rejoindre le Cinquantenaire, en passant entre autres par le quartier européen. Selon une estimation de la police, 3.400 participants seraient allés manifester, accompagnés de la jeune Suédoise Greta Thunberg.
Les actions de Youth for Climate sont internationales. Lors des «Global Strike for Future», des jeunes de plus de 120 pays sont descendus dans les rues. Des événements ont été organisés dans différents pays d’Europe, comme la France, le Luxembourg, l’Allemagne ou encore l’Italie. L’Australie, l’Ouganda et la Chine ont aussi connu des mouvements de mobilisation contre le dérèglement climatique.

 

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