Zoom sur la révolte

Une émission qui interroge et décrypte le sens et les moyens de la révolte chez les jeunes. Désobéissance civile, action directe, anarchie, violence, engagement, black bloc, comment amorcer un changement? ( Une émission radio enregistrée en télé-conférence sous les conditions du confinement lié au covid-19).

Alter Médialab: Comment percevez-vous la désobéissance civile?

Bénédicte Zitouni: Elle me pose problème, cette notion de désobéissance civile, parce qu’elle met en scène un citoyen qui serait à charge de décider s’il obéit ou désobéit. Or, quand des citoyens, des communautés, des mouvements, des gens se mettent en lien et en réseau, ils mettent en place une résistance. On est donc plus proche de l’action directe que de la désobéissance civile. Ce sont des gens qui résistent contre un régime qui est criminel et qui est totalement injuste. Et qui se donne les moyens d’arrêter la machine. L’action directe, c’est mettre son corps et sa vie, très souvent, à travers les roues de la machine ou de destruction qu’il y a. C’est rendre impossible la prise d’une machine sur nos corps, sur nos vies, sur notre intimité. C’est prendre tous les moyens possibles et imaginables pour arrêter cette destruction qui est en train de se faire.

Alter Médialab: C’est quoi le black bloc?

Une activiste black bloc: Tout d’abord, je voudrais dire que j’en ai marre d’entendre que les black blocs sont un mouvement, un courant de pensée qui réunirait des gens. Pas du tout, le black bloc, ce n’est pas un mouvement, il s’agit d’une tactique de manifestation spontanée qui se forme dans les cortèges. C’est un agrégat de personnes qui ne font pas partie d’un même spectre politique et qui vont se former de manière anonyme puisqu’elles sont cagoulées. Le but de cette technique est de permettre à des personnes de sortir du cortège durant une manifestation pour faire une action directe et de les protéger des charges policières. L’idée du black bloc, c’est la solidarité.

Alter Médialab: Votre avis sur l’usage de la violence?

Bénédicte Zitouni: Ce n’est pas la violence telle qu’elle est prise dans les sciences politiques comme la grande question: est-ce que le changement requiert de la violence ou pas? En fait, la violence chez moi, elle est le point de départ. Il y a violence. Et donc comment on fait avec ça, comment on change la situation à partir d’une situation qui est violente intrinsèquement? Dans ce sens-là, oui ça a tout avoir avec le changement, mais c’est un point de départ plutôt qu’un outil. Ce n’est pas un outil. Elle est là, la violence, qu’on le veuille ou non.

Alter Médialab: Qu’est-ce que l’anarchie?

Bénédicte Zitouni: Je n’ai jamais travaillé sur les doctrines politiques de l’anarchie. Quand j’entends le mot anarchie, pour moi, c’est un système de pensée dans lequel l’État est remis en question. […] L’anarchie est extrêmement utile et indispensable dans notre réflexion sur l’État, sur l’ensemble de l’appareil pour gouverner. Pour moi, c’est ça, c’est la remise en question de l’État. L’anarchie, ce n’est pas la négation du pouvoir. […] Le pouvoir, il est là, mais il est régulé autrement. […]

Alter Médialab: Qu’est-ce que l’engagement?

Bénédicte Zitouni: L’engagement est un terme que je n’aime pas beaucoup parce que c’est à nouveau un terme qui juge. […] Une des choses que je trouve très importante et qui a un lien avec l’engagement, c’est de reconnaître la spécificité du militant ou de l’activisme. Je trouve qu’on doit quand même faire la différence pour honorer et montrer davantage le travail de militance et d’activisme. […] Plutôt que d’être tout le temps à demander: est-ce que t’es engagé, t’es pas engagé? Explorer les engagements pris par les uns et les autres, c’est là où l’on va à essayer d’y croire, faire bouger les choses, mais aussi accepter les différences des uns et des autres. Donc, c’est une réelle question.

Alter Médialab: Qu’est-ce que la révolte?

Bénédicte Zitouni: La révolte, c’est un très beau terme puisque, quand on est révolté, il y a quelque chose d’un cri de colère: ça suffit! Pour moi, il y a de ça. Qui est donc autre chose que de se mobiliser pour une cause ou militer. Mais la révolte, ce que je trouve assez joli, c’est que ça met au premier plan le refus. Et alors au deuxième plan évidemment, c’est qu’on sort, on va quelque part dans l’espace public, qu’on acte ce refus. Mais il y a ce refus, qui est assez réjouissant quand même. C’est dire: «Non, stop!»

Alter Médialab: Pour finir cette émission, nous vous laissons méditer sur un extrait du film Le dictateur de Charlie Chaplin, puisque nous sommes les adultes de demain et qu’il nous reste peut-être, et même certainement, un monde à changer.

«Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n’est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions. Les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier personne. Chacun de nous a sa place. Et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre, mais nous l’avons oublié. L’avidité a empoisonné l’esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes. Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent dans l’insatisfaction. Les avions, la radio nous ont rapprochés les uns des autres. Ces inventions, nous trouverons leur vrai sens que dans la bonté de l’être humain, que dans la fraternité, l’amitié et l’unité de tous les hommes. Je dis à tous ceux qui m’entendent: “Ne désespérez pas!” Le malheur qui est sur nous n’est que le produit éphémère de l’avidité, de l’amertume de ceux qui ont peur des progrès qu’accomplit l’humanité. Mais la haine finira par disparaître et les dictateurs mourront, et le pouvoir qu’ils avaient pris au peuple va retourner au peuple. Et tant que des hommes mourront pour elle, la liberté ne pourra pas périr. Il faut tous nous unir, il faut tous nous battre pour un monde nouveau. Un monde humain qui donnera à chacun l’occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse, la sécurité. Ces brutes vous ont promis toutes ces choses pour que vous leur donniez le pouvoir. Ils mentaient. Ils n’ont pas tenu leurs merveilleuses promesses. Jamais ils ne le feront. Les dictateurs s’affranchissent en prenant le pouvoir, mais réduisent en esclavage le peuple. Alors, battons-nous pour accomplir cette promesse! Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l’avidité, la haine et l’intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur. Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous!»

«Le dictateur» de Charlie Chaplin

 

EN SAVOIR + : «La désobéissance civile, un acte légitime?» Alter Médialab 2018: https://www.altermedialab.be/storyslider/la-desobeissance-civile-un-acte-legitime/
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