19/12
2021
par Mohammed, Malika, Miguel, Mario, Manon, Marie-Eve, Barbara

Pauline Bacquaert : « Il n’y a pas assez de toilettes publiques dans cette ville »

Pour comprendre la situation du manque de dispositifs d’hygiène à Bruxelles, nous avons rencontré Pauline Bacquaert, historienne et membre du projet HyPer, pour hygiène personnelle hors de/sans/mal « chez soi ».

Ce projet, mis sur pied à l’Université libre de Bruxelles, a pour objectif de rendre visible le phénomène de la vulnérabilité hydrique, mettre en lumière les problématiques d’accès à l’eau pour se laver, laver ses vêtements, aller aux toilettes et boire. L’équipe de recherche dont fait partie Pauline travaille à partir des expériences des personnes qui font face à ces difficultés et en dialogue avec les acteurs de terrain.

ALTERMÉDIALAB : Pourquoi les bains publics ont-ils disparu ?

PAULINE BACQUAERT : À partir des années 1800, des bains publics sont nés dans les villes. On pouvait aller y prendre une douche pour un prix modique. À l’époque, très peu de logements avaient une salle de bain. Les gens se lavaient avec une bassine d’eau chez eux puis se rendaient une

fois par semaine aux bains publics. Après la guerre, les autorités ont fait en sorte que les logements soient équipés de salles de bain. À mesure que les logements s’en sont dotés, la fréquentation des bains publics a baissé et ils ont peu à peu fermé. Aujourd’hui, on se rend compte que leur utilité n’a pas disparu, et on se pose la question : ne serait-ce pas utile d’avoir à nouveau des bains publics? Car on le voit, les associations qui proposent des douches ont plus de demandes qu’ils n’ont de douches.

AML : Reste-t-il des bains publics aujourd’hui ?
PB : Il reste quelques bains publics communaux, notamment à Bruxelles à la place du Jeu de Balle. Comme les communes ne proposent plus ce service, les associations ont pris le relais. Il y a Rolling Douche – des douches mobiles qui permettent de rendre la douche accessible à certains qui ne déplaceraient pas – voir en page 12, Rolling Douche – qui propose des douches, mais aussi beaucoup d’autres choses à côté. On peut encore citer l’association La Fontaine, Pierre d’angle, Dune, Resto Jette.

AML : Permettre au public d’utiliser les toilettes des cafés, est-ce une solution ?
PB : Oui et non. Vu qu’il manque de toilettes publiques, chacun met en place des stratégies, aller au café en fait partie. Donc, dans les faits, c’est une solution. Sauf que beaucoup d’établissements commencent à en avoir marre et refusent l’accès à leurs toilettes. Certains publics – dont ceux et celles qui vivent dans la rue – sont discriminés et refusés dans les cafés. C’est aux autorités publiques de trouver des solutions.

Parmi celles-ci, il y a l’idée – mise en place à Bruxelles récemment – de donner une somme d’argent annuelle à des établissements – cafés, restos, centres culturels – qui en contrepartie auraient le logo « toilettes accueillantes » et ouvriraient leurs toilettes à tout le monde. On pourrait imaginer ça avec d’autres lieux : salles de sport, mosquées, biblio- thèques, théâtres, piscines, etc. Parce qu’il ne faut pas rêver, on ne va pas construire des toilettes publiques par- tout, il faut rendre accessibles celles qui existent.

AML : Les personnes en situation de vulnérabilité hydrique trouvent des trucs et astuces… Quel est votre regard sur ces stratégies ?
PB : Vu le manque de solutions et les files parfois interminables pour prendre des douches, il y a beaucoup de gens qui trouvent des plans B, vont se doucher chez des connaissances, dans les salles de sport communales, chez Basic Fit, chez des particuliers, dans des mosquées. Ce qui est compliqué avec les plans B, c’est que quand on est dans la rue, ou en situation de mal-logement, on n’a pas envie d’abuser. Les gens n’ont pas envie d’être dans une posture de « demande » et donc ils multiplient les solutions. Cela peut être très fatigant.

AML : Quel est votre message aux autorités ?
PB : L’accès à l’eau est au cœur de problématiques plus larges, tout est imbriqué… Ce qui rend d’ailleurs notre « pouvoir d’action » limité, on est une goutte d’eau. Une vraie politique d’ac- cès au logement pour tous est nécessaire. Il faudrait que tout le monde ait accès à un logement salubre, ait un travail avec un salaire qui permette de répondre à ses besoins, que les sans-pa- piers aient des titres de séjour, et que les personnes qui ne peuvent pas travailler aient des allocations suffisantes.

Peesy – Projet HyPer

Un désert sanitaire, en chiffres Bruxelles compte seulement une toilette publique pour 11.000 habitants. On compte au total 16 toilettes pour dames et 37 urinoirs. Environ 60 % des sanitaires publics (comprenant toilettes et urinoirs) sont accessibles aux femmes, moins de 25 % le sont aux personnes à mobilité réduite, à peine plus de 50 % des toilettes sont gratuites, et moins de 40 % ouvertes 24 h/24. Près de 41 % des toilettes répertoriées sur l’application Peesy sont payantes. Certaines toilettes STIB/MIVB n’acceptent souvent que des pièces de 50 cents et, à d’autres moments, que des pièces de 10 et 20 cents.

Sources : Peesy, projet HyPer.

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