11/05
2015
par Guy Amisi, Andreia Neves Jordao, Gabriel Tala, étudiants du MIAS1 de l’IESSID, catégorie sociale de la HE Paul-Henri Spaak

Un service à la collectivité pour les chômeurs de longue durée, bluff ou réalité ?

Les Agences locales pour l’emploi seraient menacées et les petits contrats précaires deviendraient encore plus précaires si le gouvernement fédéral actuel mettait à exécution le cadre d’un service à la collectivité pour les chômeurs de longue durée. Leur maintien deviendrait difficile avec la concurrence qui serait causée par l’application d’une telle mesure.

L’accord de Gouvernement du 9 octobre  2014 laisse apparaître au point  sept de son premier chapitre consacré à l’«emploi et compétitivité», le souhait de mettre en place un service à la collectivité pour les chômeurs de longue durée.

Pour le gouvernement Kamikaze, le cadre pour cette mesure passera par un accord de coopération avec les Régions. Celui-ci devra mettre en place les modalités suivantes :

  1. un service à la collectivité de deux demi-journées par semaine ;
  2. l’exécution de ce service ne doit pas réduire la disponibilité au travail du chômeur concerné ;
  3. l’intégration du service à la collectivité dans un trajet vers l’emploi ;
  4. le pouvoir donné aux Régions de suspendre les chômeurs de longue durée qui refusent une offre de service à la collectivité.

Selon plusieurs acteurs du monde associatif comme du monde politique, cette mesure est irréalisable. C’est par exemple l’avis de Tewfik Sahih, responsable de l’ALE de Saint-Josse-Ten-Noode et conseiller de la ministre Fremault (cdH).

Selon lui, à partir du moment où cette mesure ne met pas en place un statut sérieux, elle est surtout une punition, «C’est avant tout idéologique. Le gouvernement veut être à droite. Veut rendre le marché du travail plus compétitif par rapport à d’autres pays.» Or tout le monde sait très bien que le chômage a des causes diverses. Est-ce une façon de punir les chômeurs de longue durée du manque de travail ou du fait qu’ils sont accusés ou qualifiés par certains des «profiteurs» de notre système social ?

La fin des ALE ?

Notre interlocuteur pointe l’évidente concurrence entre ces nouveaux services et les ALE : «Si le gouvernement met des chômeurs gratuitement au travail, il n’y a plus besoin d’ALE» puisque les services seraient similaires, et que les prestataires ALE sont rémunérés.

D’après lui, le travail ne manque pas pour les chômeurs car si une personne est diplômée et bilingue tôt ou tard elle trouvera du travail. «Parlons de travail infra qualifié et non de pénurie de travail. Travail infra qualifié ne veut pas dire travail précaire».

Et Tewfik Sahih de conclure que si le service à la collectivité est mis en place tel qu’il est pensé actuellement, les contrats de travail précaires deviendront encore plus précaires. On pourra entendre les patrons dire «si tu n’es pas content, j’ai quelqu’un qui travaille gratuitement». On peut parler de concurrence,  car si le travailleur n’aime pas le travail qu’il effectue, tant mieux pour le patron parce qu’il aura facilement quelqu’un qui travaille gratuitement.

Expérience au Royaume-Uni

Pour la CSC, «le service à la collectivité obligatoire n’est pas une solution pour l’emploi. L’évaluation de l’impact des activités communautaires obligatoires dans les pays qui ont instauré ces systèmes prouve que ceux-ci n’offrent pas de solution à la transition professionnelle. Ainsi, une étude comparative à grande échelle a été menée auprès de 16.000 chômeurs de longue durée au Royaume-Uni avec, d’une part, des chômeurs qui percevaient une allocation et, d’autre part, des chômeurs contraints d’accomplir un service à la collectivité. Leurs perspectives d’emploi se sont révélées identiques. En d’autres termes, le service à la collectivité n’aide pas du tout les chômeurs à trouver un emploi. Or, c’est précisément l’objectif à atteindre.»[1].

En plus, le service à la collectivité obligatoire «est également répréhensible du point de vue juridique parce qu’elle porte atteinte au principe d’assurance, qui constitue la base de notre sécurité sociale. L’Organisation internationale du travail (OIT) taxe ce type de service à la collectivité de travail forcé.»[2].

Expérience des Pays-Bas

«On peut également se demander si le service à la collectivité obligatoire ne risque pas de se substituer à des emplois réguliers (peu qualifiés). Nous avons en mémoire l’exemple de cet ouvrier communal aux Pays-Bas. Son emploi de balayeur de rue avait été supprimé à la suite d’une restructuration et il a pu le récupérer contre des allocations de chômage. Cette situation risque de se produire ici aussi. En particulier, dans la mesure où quantité d’administrations et d’organisations locales doivent démanteler des services collectifs à cause de leur politique d’austérité. Elles pourraient être tentées de ‘boucher les trous’ des services en instaurant le travail forcé pour les chômeurs. Par ailleurs, cette mesure ne concerne pas seulement les personnes bénéficiant d’une allocation de chômage ou d’insertion, mais également les personnes qui doivent vivre du revenu d’intégration du CPAS»[3].

L’accord de coopération avec les Régions sera-t-il possible ?

Nous pouvons aussi nous demander si cette mesure pourra passer au niveau des Régions où l’on sait que les coalitions n’ont pas les mêmes configurations politiques qu’au fédéral.

Pour rappel, il reviendra aux régions d’exécuter le cadre pour la mise en place de ce service. Or, si nous regardons la configuration politique des coalitions régionales : par exemple en Wallonie nous trouvons le PS et le cdH ; à Bruxelles, presque la même configuration, PS-cdH et FDF, pour ne citer que les partis francophones.

On comprend tout de suite que cette coopération annoncée et souhaitée par le gouvernement en place risque de se passer dans une mauvaise ambiance. Car, avec la sixième réforme de l’Etat, les Régions sont devenues compétentes en matière du contrôle des chômeurs.

C’est d’ailleurs ce qu’une personne proche du cabinet d’un ministre régional de l’emploi nous indique : cette mesure serait tout simplement inapplicable.

Et la notion du travail librement consenti ?

Etant donné que cette mesure sera intégrée dans le parcours d’insertion socioprofessionnelle, – «trajet vers l’emploi» en reprenant les termes employés dans l’accord du gouvernement -, on peut également se poser la question de la liberté de choix pour le service à accomplir par les concernés. En effet, «la Belgique pourrait être rappelée à l’ordre. Plus grave, la Convention européenne des Droits de l’homme et la Charte des droits sociaux fondamentaux de l’Union européenne comportent également une interdiction du travail forcé et du travail obligatoire»[4].

«La question de savoir si on peut imposer à un chômeur de travailler, sous peine de perdre son allocation, peut être examinée à la lumière de plusieurs normes internationales.

D’une façon générale, on peut se demander si cela ne constitue pas un travail forcé, au sens notamment :

  • des Conventions OIT n° 29 (1930) et 105 (1957) ;
  • de l’article 8.3. du Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques
  • de l’article 4.2. de la Convention européenne des droits de l’homme ;
  • de l’article 1.2 de la Charte sociale européenne («toute personne a la possibilité de gagner sa vie par un travail librement consenti») ;
  • de l’article 4 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux (1989) intégrée depuis le Traité de Nice (2000) dans le Traité de l’Union Européenne, qui a le même contenu que l’article 1.2 de la Charte sociale européenne.

Plus spécifiquement, on peut se demander si cela respecte les normes internationales en matière de sécurité sociale, notamment :

  • la Convention OIT n°168 (1988) en matière de chômage, particulièrement l’article 21, qui concerne le refus d’emploi convenable ;
  • l’article 12 (droit à la sécurité sociale) de la Charte sociale européenne ;
  • les articles 19 et suivants (droit aux allocations de chômage) du Code européen de sécurité sociale».

Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile…Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile…Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile…

Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile… Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile… Outre la difficulté éventuelle de sa mise en place, cette mesure particulière concernant le chômage de longue durée devra cependant être négociée avec les différentes régions, puisqu’elles sont compétentes en la matière. Avec une coalition PS-cdH en Wallonie et PS-cdH-FDF à Bruxelles, cela s’annonce difficile…

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