29/01
2019
par Agence Alter

Détention : les voix oubliées

Deux fois par mois durant un an, d’octobre 2017 à octobre 2018, des ateliers avec un groupe de détenu.e.s se sont tenus à la prison de Mons. Sept hommes, trois femmes, emprisonnés pour des périodes relativement longues, se sont impliqués dans cette expérience de journalisme participatif. Via l’écriture, la photo, la radio, l’illustration, le rap, ensemble, nous avons décidé de parler des conditions d’incarcération, mais aussi des rêves, des espoirs et désespoirs de ces citoyens en détention, afin de permettre à leurs voix oubliées de résonner au-dehors.

Premier contact avec l’univers carcéral. Les murs d’enceinte de la prison de Mons, le long de l’autoroute urbaine qu’est le Boulevard Churchill.
Barbelés, grillages destinés à empêcher les largages, caméras de surveillance aux quatre coins du bâtiment. À côté de l’entrée principale de cette prison déguisée en château-fort, une première porte en acier, un bouton-poussoir pour accéder à la salle d’attente, celle qu’empruntent les visiteurs chaque jour pour aller à la rencontre de leurs proches enfermés. Un gardien, manuellement, actionne l’ouverture des portes. Attente, vérifications d’identité, passage par le portique et pour le matériel, contrôle aux rayons X. Pas de gsm, pas de clef USB, pas d’ordinateur (sauf s’il est inscrit sur la liste du matériel autorisé) : coupés du monde extérieur pour quelques heures. Des portes à franchir, il y en aura huit, lourdes, pesantes, bruyantes pour arriver jusqu’à la petite salle de formation tout au bout de l’aile B de cette prison en étoile. À chaque séance, à chaque entrée, à chaque porte : une sensation d’oppression. L’enfermement pour quelques heures, c’est déjà une épreuve. alors, pour un an, cinq ans, dix ans…

Le 14 octobre 2017, nous nous rendions à notre première séance avec les détenus. Un peu tendus, inquiets de cette première rencontre, ne sachant pas comment nous allions être accueillis, comment il fallait se comporter. Dès les premières minutes, le contact s’est établi, un lien s’est créé. Il faut dire que pouvoir sortir de sa cellule, en dehors des visites et des préaux, c’est un petit luxe quand on est enfermé 20h sur 24 dans deux mètres sur trois.

Pouvoir parler avec des gens de l’extérieur de la vie au-dehors, évoquer sa vie au-dedans, les raisons qui les ont menés là, échanger sur le sens de cette peine, mais aussi sur les conditions dans lesquelles il faut « payer » sa faute. Aborder aussi, la marque indélébile que laisseront les traces de ce passage sur le casier judiciaire de chacun : tels ont été les sujets de prédilection des détenus, à raison d’un atelier tous les quinze jours, le samedi matin pour se donner le plus de chance possible d’accéder à la prison et que les mouvements des détenus puissent être assurés par les gardiens.

Nous avons beaucoup parlé, travaillé, ri, pleuré et aussi mangé ensemble, comme une famille… singulière et éphémère. À travers l’écriture, la photo, le dessin, la radio, le rap, le groupe qui s’est petit à petit constitué a joué le jeu. Chacun a donné de sa personne, s’est livré, dévoilé, que ce soit les détenus, mais aussi les animateurs de ces ateliers et les journalistes qui avons approché une réalité déjà connue, mais sous un angle peu valorisé, celui de l’humanité… Le groupe a évolué au cours de l’année en raison d’un transfert pour l’un, d’une sortie de prison pour l’autre, d’une non-réintégration de la prison à la suite d’une permission de sortie ou encore d’un job de « servant » difficile à concilier avec les ateliers. mais le noyau est resté fort et ceux qui ont décroché font toujours partie intégrante de l’aventure.

Nous avons promis au groupe de porter leurs paroles, par-delà les murs de la prison. C’est chose faite avec ce journal et l’émission radio, préparés avec eux. Deux messages forts adressés au monde du dehors, décideurs politiques ou simples quidams pour que le regard sur la prison évolue et que le sort des détenus s’améliore.

Ces ateliers, rendus possibles grâce à un petit subside de la ministre de la Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles, n’ont sans doute été qu’une goutte d’eau dans la mer. S’agit-il d’un sparadrap ? Sans doute. Ne serions-nous qu’une initiative permettant de contenir l’inhumanité en la rendant un peu moins insupportable ? Plus que probablement. Mais nous espérons que cette année aux côtés des détenus de la prison de Mons aura été un espoir – ou à tout le moins une bou ée d’air – pour les participants et un message à ceux qui gèrent cette absurdité.

 

Le groupe de détenu.e.s de la prison de Mons
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