C’est que des cheveux …ou pas

Par Deodate Andemambike Bimule

J’ai choisi d’explorer la thématique de la liberté à travers les cheveux, car ils possèdent une forte dimension symbolique et un impact plus grand qu’on ne le pense. Une coupe de cheveux fait partie intégrante de l’apparence d’une personne et influence la manière dont elle se présente aux autres.

Les coiffures afro, en particulier, sont chargées d’histoire et de significations culturelles. Pourtant, les porter au quotidien peut s’avérer complexe. Dans certaines cultures et générations, ellessont parfois perçues comme non conformes, au profit de standards capillaires plus proches des critères occidentaux.

À travers mon travail, je mets en lumière ces jeunes Belges afro-descendants qui refusent de se limiter à une seule identité. En assumant pleinement leur double culture à travers diverses coiffures, ils affirment une identité qui dépasse la simple esthétique. Ce projet est une célébration de la liberté d’être soi.

 

Léa 23 ans, étudiante: lors de notre discussion, je lui ai demandé quel était son rapport à ses cheveux. Elle m’a confié entretenir une relation compliquée avec ses cheveux afro, ayant du mal à trouver les coiffures dites ethniques, jolies sur elle.

En creusant un peu plus, elle m’a expliqué que ce sentiment était lié à des souvenirs d’enfance. Elle recevait fréquemment des remarques sur sa couleur de peau, jugée «trop noire», et on lui faisait comprendre qu’elle était moins jolie que ses sœurs, au teint plus clair. Dans son esprit de petite fille, elle en était venue à penser que porter, en plus, ses cheveux afro, souventdévalorisés par la société, ne ferait que renforcer ce qu’elle percevait comme un désavantage.

Bien qu’il lui soit encore difficile d’adopter certaines coiffures, aujourd’hui, Léa se sent plus libre d’arborer ses cheveux naturels, sans craindre le regard des autres.

 

Didier 27 ans, étudiant: lors de notre discussion, je lui ai demandé s’il avait déjà eu le  sentiment que ses cheveux pouvaient être un frein dans sa vie professionnelle. Il m’a confié avoir ressenti le besoin d’adapter son apparence avant un entretien d’embauche, par crainte d’être jugé sur ses locks. Pour paraître le plus professionnel possible, il avait misé sur une tenue formelle et attaché soigneusement ses cheveux afin d’éviter toute perception négative.

Il m’a également partagé son expérience en tant que garçon portant des tresses. Ayant grandi dansun environnement où les coiffures étaient strictement encadrées, il a, dès qu’il en a eu la possibilité,expérimenté différents styles, qui n’ont pas toujours fait l’unanimité. C’est dans ce contexte qu’il m’a raconté que son père, après avoir vu une photo de lui portant des nattes, avait envoyé un message à sa mère le qualifiant de «voyou». Une remarque qui lui rappelle à quel point les cheveux restent chargés de préjugés. Bien qu’il ait conscience qu’il doive parfois faire des ajustements, il continue aujourd’hui d’assumer fièrement ses choix capillaires.

 

Naomi 29 ans, médecin: lors de notre discussion, je lui ai demandé si ses cheveux avaient un impact dans sa vie professionnelle. Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas cette sensation car elle avait la chance d’évoluer dans des milieux multiculturels où elle n’était pas l’exception. Les rares remarques qu’elle reçoit sont souvent positives.

Elle a toutefois évoqué certaines expériences plus compliquées, notamment lors de ses stages, où on lui a reproché la longueur de ses tresses, jugées «pas propres», alors que les femmes non africaines aux cheveux longs n’étaient pas soumises aux mêmes exigences. Elle a aussi constaté une stigmatisation des tresses et des nattes à l’âge adulte, souvent perçues comme des coiffures d’enfant, en contraste avec la popularité croissante des perruques et tissages chez les femmes plus âgées.

Son rapport à ses cheveux a évolué lorsqu’elle a décidé d’arrêter le défrisage à 19 ans. Elle parle d’une véritable découverte d’elle-même, car c’était la première fois qu’elle était confrontée àsa texture naturelle. Pour elle, garder ses cheveux afro est une affirmation de soi, un choix qui demandedu temps et des ajustements, mais qui lui permet de mieux se connaître et de s’accepter pleinement.

 

Brad 25 ans, étudiant: lors de notre discussion, je lui ai demandé comment il vivait le fait de porter des locks au quotidien. Il m’a partagé ses ressentis ainsi que certaines expériences marquantes. Il m’a confié avoir souvent eu l’impression de ne pas être pris au sérieux par ses pairs en raison de son apparence. Pour illustrer cela, il m’a raconté avoir vu des amis couper leurs locks et publier: «Je deviens sérieux.» Ce qui l’a interpellé: «Ça veut dire quoi? Que nous, on n’est pas sérieux?»,soulignant ainsi que cette stigmatisation venait parfois de notre propre communauté.

Il a insisté sur le fait qu’il s’agissait de ressentis et qu’il était difficile de dire avec certitude que sescheveux étaient la cause des changements d’attitude des gens à son égard. Cependant, il est tout aussi difficile d’affirmer qu’ils n’ont aucun impact.

Malgré ces expériences, il continue de porter ses locks avec fierté et garde l’espoir que lesmentalités évolueront. Pour lui, ces coiffures ne sont pas qu’une simple coupe de cheveux, mais un héritage culturel.

 

  • «Tu sais laver ça?» «Non, mais tes cheveux sont bizarres.» «T’essayes de coller à ce qui est vu comme socialement beau et par association les cheveux afro ne le sont pas.»
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