En toute liberté: réfléchir à la prison autrement

Que reste-t-il de la liberté lorsqu’elle est confisquée derrière des murs, des portes blindées et des routines carcérales? Le 16 décembre 2024, une émission radio réalisée par des étudiant·es de l’Université Saint-Louis et de la Haute École ISFSC proposait de réfléchir à la prison autrement. Ce projet, mené dans le cadre de Bruxitizen et en partenariat avec Bruxelles Nous Appartient, a donné naissance à une parole plurielle, sensible, parfois révoltée.

Par Mariam Mahyou, Nancy Mungila Daniella, Mary Ngeleka Dimata, Sébastien Deridder, Assiatou Diallo et Kenza Jaddi

 

Quand la liberté s’apprend derrière les murs

L’émission «En toute liberté» a réuni plusieurs voix pour explorer ce que signifie être privé de liberté, repenser la prison et envisager la réinsertion. Autour de la table, au micro et aux côtés des étudiants: Serge Thiry, ancien détenu ayant passé 27 ans en prison; Clémence Beaujean, membre du Genepi et étudiante en droit; et Juliette Béghin, criminologue et ex-présidente de l’Observatoire international des prisons.

 

«Boire l’eau du gant de toilette»: un témoignage glaçant

Parmi les moments les plus marquants, le témoignage de Serge Thiry qui retrace son parcours dès une enfance marquée par les violences institutionnelles:

«J’ai été placé dès ma petite enfance dans des institutions. Vous savez comment ils m’ont appris à bien tordre mon gant de toilette? L’éducateur m’appelait, il prenait mon gant de toilette, je devais ouvrir la bouche, il le tordait et je devais boire l’eau qui en sortait.»

La musique, apprise derrière les barreaux, a représenté pour lui des instants fugaces de liberté. Aujourd’hui, à travers son association Extra Muros, il accompagne d’anciens détenus vers la réinsertion.

 

Le Genepi: créer du lien sans juger

Clémence Beaujean est venue présenter les actions de son association. En organisant des ateliers en prison, le Genepi vise à briser l’isolement et de restaurer du lien social, en mettant de côté les infractions passées:

«C’est une règle qu’on se fixe moralement: on ne demande jamais ce que les détenus ont fait. Ils ont été jugés. Ce qui compte, c’est de partager un moment humain et de leur permettre d’oublier, quelques heures, qu’ils sont en prison.»

 

«La prison fabrique de la récidive, on perd tout: si on avait une formation, on la perd; si on avait un métier, on le perd; si on avait une compagne,… en général, on la perd aussi. Donc on perd tout ce qu’on a, tout ce qu’on a créé, ce sont des tas de ruptures. Et en sortant, bonne chance pour aller retrouver une vie.»

 

Une réinsertion laissée aux marges

La réinsertion, censée être un pilier du système pénal, apparaît comme la grande absente des politiques publiques. À l’intérieur des prisons, peu de dispositifs concrets permettent aux détenus de préparer leur sortie dans de bonnes conditions. À l’extérieur, le relais est assuré presque exclusivement par des associations comme Extra Muros, le Genepi ou quelques structures locales sous-financées. Serge Thiry le rappelle: «En sortant, on a tout perdu. Il faut tout reconstruire, souvent sans logement, sans revenu, sans soutien.» Faute de suivi structurant, la sortie de prison devient un saut dans le vide, où les risques de rechute sont élevés.

 

«Pénalo-dépendance cognitive»: la critique d’un système à bout de souffle

Juliette Béghin quant à elle propose une analyse plus structurelle. Pour elle, la prison est un échec annoncé: «Le système pénal, c’est quelque chose qui n’est pas pensé. On construit plus de prisons alors que ça ne fait que fabriquer de la récidive.»

Elle dénonce notre «pénalo-dépendance cognitive»: cette difficulté collective à imaginer d’autres réponses que l’incarcération. Elle rappelle que ce n’est pas seulement un problème de moyens, mais de vision politique. L’État se repose largement sur le travail des associations, sans stratégie globale de réinsertion.

 

Conclusion: réfléchir à d’autres chemins

«En toute liberté» met en lumière un constat clair: loin d’être un outil de rééducation, la prison contribue souvent à marginaliser davantage. Les témoignages réunis ouvrent une réflexion essentielle: comment penser un système pénal plus juste, plus humain, moins répressif?

 

 

 

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