Décret mixité sociale : proportion géographique, un critère de diversité ?

Neuf ans après sa mise en application, des acteurs de l’enseignement critiquent le décret Mixité sociale et ses critères, dont celui de proportion géographique. D’autres, comme la CSC, tempèrent et prônent une meilleure régulation.

Depuis sa mise en œuvre effective en 2009, le décret Mixité sociale ne cesse de faire parler de lui. Un des points qui fait le plus débat est celui du critère de proportion géographique tant pour ses défaillances que pour sa véritable utilité dans la quête de mixité sociale. Le critère permet aux écoles de classer les élèves non prioritaires en fonction de leur position géographique: d’un côté, les élèves domiciliés au sein de la commune de l’établissement et de l’autre les élèves habitant une autre commune. Ce critère est utilisé uniquement pour tous les élèves non prioritaires et ces derniers seront encore départagés par la suite via de multiples critères comme la date de naissance ou encore la première lettre de leur nom de famille.

Une efficacité qui se fait attendre

Le décret Mixité sociale et notamment son critère géographique ont été institués comme une arme pour lutter contre les clivages d’ordre socioéconomique qui existent aujourd’hui entre établissements scolaires et notamment à Bruxelles. Cependant, comme le souligne la dernière enquête Pisa (enquête de l’OCDE sur les performances des systèmes éducatifs) de cette année, la mixité sociale au sein des établissements secondaires a stagné. Certains indicateurs (comme le revenu moyen par établissement) montrent même que cet objectif de mixité tend à régresser. Cet état des lieux est corroboré par deux professeurs du Collège Saint-Pierre de Jette.

Selon ces derniers, la mixité sociale n’a pas réellement changé au niveau de l’établissement. Ils admettent avoir vu arriver un public plus divers, mais rapportent cela à la perpétuelle évolution de la société bruxelloise, et non au critère géographique. Ils déclarent même que les données internes au Collège confirment que le revenu moyen des parents d’élèves a augmenté et non diminué comme cela aurait dû être le cas avec l’arrivée d’étudiants dans des situations plus précaires.

Cette réalité que connaissent de nombreuses écoles est aux antipodes de nombreux autres établissements secondaires du réseau libre, comme l’atteste le cas des athénées du nord de Bruxelles. Le public fréquentant ces établissements est au fil du temps de plus en plus précarisé, comme le constate un professeur contacté par nos soins. Le son de cloche est similaire du côté de la CSC. Eugène Ernst, secrétaire général de la CSC Enseignement, souligne le fait que, si amélioration il y a, cette dernière est de très faible amplitude et n’est pas suffisante pour répondre aux défis de la mixité sociale.

«Ce critère ne prend pas en compte les spécificités locales et crée des situations rocambolesques»
Eugène Ernst, secrétaire général de la CSC Enseignement

Pensé comme un critère adaptable à toute la Fédération Wallonie-Bruxelles, des incohérences apparaissent à certains endroits. C’est notamment le cas dans le nord-ouest de Bruxelles où, malgré le nombre important d’enfants en âge de rejoindre un enseignement secondaire, ce type d’établissements manque cruellement. De nombreux enfants sont confrontés à des temps d’attente très élevés avant de connaître leur futur établissement, finissent par arriver dans une école par défaut ou même par n’avoir aucune place en septembre. Comme le souligne la Commission interréseaux des inscriptions (CIRI), 240 élèves à Bruxelles (sur 292 pour l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles) n’avaient pas encore d’école secondaire à quelques jours de la rentrée, cette année.

Un des professeurs du Collège Saint-Pierre cité précédemment explique: «Ce critère ne prend pas en compte les spécificités locales et crée des situations rocambolesques. Dans le nord de Bruxelles, Berchem, Molenbeek ou encore Laeken manquent cruellement d’écoles. En plus de cela, les francophones des communes de la périphérie remplissent parfois jusqu’à 1/5 des écoles de la zone.

Finalement, les adolescents des communes du nord-ouest ont plus de difficultés à accéder à une école secondaire et cela accentue encore plus les disparités avec des élèves plus aisés venant du Brabant occupant de nombreuses places.» Les propos du secrétaire général de la CSC vont dans le même sens: «Les critères géographiques recouvrent des réalités très différentes entre les régions urbaines et rurales. Au niveau fondamental, il est important que les élèves fréquentent des écoles proches de leur domicile. Le critère géographique demeure important mais sa déclinaison devrait être variable suivant les régions, d’où l’idée d’une déclinaison territoriale du décret Inscriptions.»

Une rationalisation du critère géographique, l’adaptation du critère aux spécificités locales ou encore l’idée d’une déclinaison territoriale du décret Inscriptions sont certaines des pistes évoquées afin de maximiser l’efficacité de ce critère.

Finalement, bon nombre d’acteurs du monde de l’éducation ne veulent pas la suppression de ce décret et de ce critère géographique mais demandent tout simplement une meilleure régulation.

 

 

 

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