La liberté aux trajectoires différentes

Pour illustrer le thème de la liberté, j’ai choisi de me pencher sur la situation des personnes sans papiers à Bruxelles. Pourquoi ce choix ? Parce qu’il me tient à cœur. J’ai déjà eu l’occasion de travailler sur cette question auparavant, et j’estime que ces hommes et ces femmes, souvent invisibilisés, sont parmi les mieux placés pour parler de liberté. Qu’ils soient demandeurs d’asile ou étudiants sans papiers, leur parcours, leurs difficultés, leurs rêves heurtés sont le reflet poignant d’une liberté entravée.
Ce travail de terrain, réalisé dans le cadre d’un reportage photo, s’est construit à travers deux rencontres fortes. Pour pouvoir réaliser ces portraits, il m’a fallu gagner leur confiance, souvent au prix de plusieurs jours d’échanges informels et d’observation participante. L’objectif : saisir des fragments de leurs histoires et rendre visibles leurs voix, leurs visages, leurs aspirations.
Premier témoignage : Ibrahim, demandeur d’asile nigérian
« La liberté, c’est pouvoir travailler, pratiquer sa religion, et s’exprimer sans peur », affirme Ibrahim, originaire du Nigeria.
Arrivé en Belgique pour fuir la violence et la misère, Ibrahim raconte une vie où l’arbitraire et la peur dictaient le quotidien. « On peut t’arrêter sans raison, te frapper, surtout si tu es différent, comme les personnes homosexuelles ». Ici, il aspire à une existence digne. Mais l’absence de papiers le contraint à vivre caché : « Je travaille sans être déclaré. Si on me dénonce, je perds tout. Je ne peux pas aller à la banque, je ne peux rien faire sans papiers. »
Ce qui lui manque pour se sentir libre ? « La régularisation. Travailler librement, faire une formation, envoyer de l’argent à ma famille. »
Deuxième témoignage : Hakim, étudiant régularisé
Hakim, 21 ans, a grandi dans le sud du Caire. Arrivé en Belgique avec ses parents, il a appris le français, s’est intégré, et poursuit aujourd’hui un bachelier en sciences économiques.
Pour lui, « la liberté, c’est avoir une vie normale, un revenu, le respect, la liberté de croyance, de voyager ». En Belgique, il se sent « beaucoup plus libre » : il peut parler politique, pratiquer sa religion, accéder à des soins de santé.
Mais la liberté totale reste un horizon : « Je dépends encore de mes parents. Je ne voyage pas librement. Le jour où je travaillerai et vivrai seul, je serai vraiment libre. »
Ce reportage donne à voir deux expériences singulières de la liberté. Pour Ibrahim comme pour Hakim, le mot recouvre des besoins concrets : travailler, s’exprimer, se déplacer, être reconnu. La liberté ne se décrète pas : elle se vit. Et pour beaucoup, elle reste à conquérir.
Ce travail photographique, enrichi par ces entretiens, a été l’occasion de donner un visage à ceux qu’on préfère souvent ne pas voir. Parce que raconter, c’est déjà un acte de reconnaissance.










