L’écokot Saint-Louis, l’écologie étudiante… et militante

La question des initiatives citoyennes pour la défense du climat et de l’environnement est au cœur des préoccupations. Comment réagissent les jeunes, hier encore mobilisés dans la rue clamant haut des revendications et demandant des garanties pour leur avenir? Pour mettre en lumière leurs attentes jusqu’ici déçues, coup de projecteur sur une initiative originale: l’écokot Saint-Louis.

L’année 2019 a vu la politisation d’une tranche jusque-là plutôt discrète de la population belge qui s’est cristallisée autour de la problématique du climat: en effet, les jeunes sont descendus dans la rue pour clamer leur inquiétude quant à l’efficacité des politiques menées pour lutter contre le réchauffement climatique. Si dans l’ensemble le monde politique a répondu positivement à cette mobilisation, pour nombre de ces jeunes, comme Marie, cofondatrice de l’écokot Saint-Louis, cet espoir et cette foi placés dans le politique ont été déçus. En effet, si la Belgique prend certains engagements pour garantir à ses citoyens un environnement sain, une bonne partie de ces jeunes activistes s’indigne de la lenteur du processus, ainsi que des incohérences qui restent légion. Pour en savoir plus sur les attentes et les espoirs de ces jeunes, visite au sein d’une résidence universitaire pas tout à fait comme les autres: l’écokot de l’Université Saint-Louis.

Le concept d’écokot est intéressant à plus d’un titre et certainement de par la simplicité qui entoure le dispositif. Il s’agit d’une structure au sein des logements proposés par l’Université Saint-Louis qui s’est donné pour thème la protection de l’environnement, à l’instar des nombreux autres kots à projets (KAP) existant sur les campus universitaires belges. L’écokot Saint-Louis compte cinq personnes et est relié de manière informelle aux autres écokots, notamment ceux situés à Mons, Namur, Liège ou Louvain-la-Neuve. Ayant connu des épisodes moins heureux par le passé, cette structure a été ranimée par deux étudiantes, Marie Van der Loos et Pauline de Wae, dans le courant de l’année 2018 avec l’aide de l’administration universitaire. Pour elles, cela sonnait comme une évidence: «Le fait qu’il n’y avait plus de kot engagé dans la défense de l’environnement, c’était absurde.» Le but étant de sensibiliser la communauté étudiante à leur cause, «s’est ensuivie une phase de recrutement d’étudiants intéressés à nous rejoindre, avec pour l’anecdote des posters horribles avec nos bobines dans des pommes, et, du coup, on a assez vite pu intéresser des étudiants parce que l’envie était là: il manquait juste une impulsion».

Dedans et dehors

L’écokot Saint-Louis poursuit deux objectifs: l’un concerne la vie au sein du kot lui-même et l’autre porte sur les activités proposées par le collectif à l’ensemble de la communauté étudiante. S’il n’y a pas de règles de vie à proprement parler obligatoires pour les habitants du kot en termes d’habitudes de consommation ou de style de vie, il n’en demeure pas moins fortement conseillé d’adopter un mode de vie plus en phase avec les valeurs mises en avant. Comme l’explique Marie Van der Loos, «les colocataires de l’écokot sont tous des gens sensibilisés aux questions d’environnement: la moitié est végétarienne et on fait tous attention à notre consommation, même si on pourrait aller plus loin pour faire correspondre nos actes à nos idées». Certains d’entre eux fabriquent leur dentifrice ou déodorant de manière artisanale. Le mode de vie zéro déchet est mis en avant, ainsi que l’adoption du végétarisme. La sensibilisation à des méthodes d’achats ecofriendly est également prônée, comme le simple fait d’aller faire ses courses au marché des Tanneurs, situé dans le centre de Bruxelles et qui propose une alimentation bio de saison et en vrac, ou de s’approvisionner auprès des producteurs locaux, situés à maximum 60 km de l’écokot.

Concernant les activités proposées aux étudiants, «notre façon de travailler se fait toujours autour de thèmes, précise Marie: le plus récent tournait autour de l’industrie vestimentaire, illustré par un film River Blue de David McIlvride. Autour de chaque thème, on essaie de toucher des gens avec des actions différentes». Ici une initiation au shopping vestimentaire de deuxième main, là des ateliers d’ordre pratique ou encore des conférences, comme ce fut le cas lors du cycle d’activités sur le végétarisme/véganisme et son impact écologique. L’écokot organise également des fêtes «pour le côté fun, puisque, vu qu’on relance le KAP, il faut aussi veiller à être plus visible. On avait aussi envie de montrer qu’il est tout à fait possible de faire des fêtes sans faire des montagnes de déchets, de gobelets en plastique, etc.», argumente Marie, la cofondatrice du projet. La pluralité des campagnes de sensibilisation offertes par le kot a pour but de toucher une multiplicité de strates du monde étudiant. Ayant souvent commencé leur action de sensibilisation au sein de leur propre famille, les promoteurs de l’écokot sont en effet conscients des différents degrés de prise de conscience auxquels ils sont confrontés dans leur activité, d’où la grande variété d’approches.

L’écokot comme facilitateur

Au-delà des intentions, comment appréhender les résultats concrets pour cette approche «grass roots»? Les témoignages de participants plus ou moins réguliers aux ateliers proposés par l’écokot donnent le ton. Si le KAP semble bien maîtriser sa communication et parvient à se faire connaître et reconnaître dans la communauté étudiante, les avis sont plus mitigés quant à l’efficacité de son action. Là où le bât blesse, c’est sans doute dans la capacité des membres de l’écokot à attirer vers eux des individus peu ou pas sensibilisés à la problématique. En effet, si, selon leur vision, la conscientisation du plus grand nombre représente une priorité, il semble difficile de cibler large avec les moyens à leur disposition. Marie reconnaît d’ailleurs volontiers que «parfois on tombe sur des gens mieux renseignés que nous».

Par contre, les étudiants qui participent aux activités ont généralement un aperçu positif de l’expérience: «Les activités sont souvent sympas et les thèmes sont à chaque fois bien choisis. On parle de choses concrètes dans un cadre agréable», témoigne Marie-Pierre De Groote, étudiante en droit. Les participants sont également récompensés par toute une série de connaissances d’ordre pratique et réalisées sur mesure. Le fait de motiver les participants à mieux se nourrir ou plus globalement d’offrir une forme de déclic pour des individus hésitant encore à faire le pas constitue des avancées notables de ce genre d’atelier. Comme le relève Ashenta Trigo Teixeira, étudiante en sciences politiques, «après ma première année passée en Belgique durant laquelle j’avais adopté le mode de “surconsommation” généralement répandu ici, j’ai fait le choix de faire évoluer mes habitudes de consommation. Par exemple je n’achète plus de vêtements en grande surface, mais plutôt en friperie. Après, ça ne convient pas à tout le monde: chacun son rythme et son souhait, avec ce que l’on veut changer». Devant l’aspect potentiellement dantesque de certains changements de style de vie, l’écokot tente de se placer en tant que facilitateur.

Plus fondamentalement, ce qui diverge sans doute dans le chef des participants, c’est l’appréhension de la portée de ce type d’initiatives. Si tous sont convaincus du bien-fondé de ce genre d’initiatives, il convient cependant de distinguer ceux qui considèrent qu’en tant que citoyens, il s’agit de «voter avec ses pieds», c’est-à-dire influencer le gouvernement par une conscientisation de masse afin d’inciter une forme de révolution des consciences par le bas. Un tel mouvement passe par le biais de l’éducation pour faire évoluer les attentes de la société dans son ensemble. D’autres estiment que c’est au gouvernement d’agir en suivant une logique de prise de décision descendante (top-down) pour diminuer à court terme notre empreinte carbone, quitte à précéder l’évolution des mentalités. Pour Thomas Pirotte, étudiant en sciences politiques, «nous sommes actuellement dans un système hiérarchisé, cannibale et écologiquement destructeur: l’urgence est d’instaurer d’autres normes, plus éthiques, moins inégalitaires et surtout pérennes pour la planète». Une étudiante s’est pour sa part interrogée sur le droit qu’elle avait encore, éthiquement parlant, d’amener des enfants dans ce monde au vu des perspectives d’avenir.

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