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Quelles solutions pour les élèves primo-arrivants recalés des classes DASPA?

Classes DASPA insuffisantes, critères d’inscription non remplis, pays d’origine qui n’apparaît pas sur la liste de l’OCDE… Autant de facteurs qui empêchent les primo-arrivants de s’inscrire dans les classes habilitées à les accueillir. Quelles alternatives existe-t-il pour ces élèves qui doivent trouver une solution pour réussir à apprendre le français, connaître la culture du pays ou poursuivre leur scolarité une fois arrivés en Belgique?

On évoque beaucoup dans les médias le sort des élèves sans école, les «injustices» du Décret Inscription. Mais… certains établissements doivent faire face à une problématique complexe dont on parle beaucoup moins: savoir où placer les élèves primo-arrivants et qui ont été «recalés» à l’entrée des DASPA.

Ce Dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants, créé en 2012 (cette appellation a remplacé ce qui avait été mis en place en 2001 en Communauté française, les «classes passerelles»), permet à des jeunes arrivés depuis moins d’un an en Belgique de bénéficier d’une année (18 mois au maximum) de cours de français ainsi que d’une remise à niveau plus générale afin d’intégrer ensuite les classes primaire ou secondaire ordinaires.

Les raisons de ce refus à ces classes peuvent être un âge trop élevé – les DASPA étant limités à 18 ans –, une présence en Belgique depuis plus d’un an ou le fait de ne pas être ressortissant d’un des pays désignés par l’OCDE comme les moins développés. Certaines écoles décident alors de «bidouiller» pour offrir comme elles le peuvent un accompagnement à ces jeunes migrants.

Immersion dans le milieu francophone

C’est le cas de l’école primaire Ulenspiegel, où officie Houria Mokhtar, accompagnante d’adaptation à la langue. Depuis plusieurs années, son établissement accueille des primo-arrivants, qui doivent trouver des solutions scolaires convenant à leur milieu, généralement défavorisé, en parallèle à un niveau scolaire en décalage avec leur âge. Cette école a pris cette décision face à la grande arrivée d’élèves dont le français n’est pas la langue maternelle. «Les DASPA, c’est très bien, mais il n’y en a pas assez et tous les parents ne sont pas au courant de leur existence. En plus, notre école se situe dans un quartier où vivent beaucoup de personnes qui ne parlent pas français. On a dû mettre en place ces classes à leur disposition», explique la directrice Martine Samyn.

Houri Mokthar y donne des cours de français: «Mon but, c’est de faire en sorte qu’ils acquièrent la langue de l’enseignement, c’est-à-dire le français, pour accéder aux apprentissages dans les classes.» Ses cours sont aussi l’occasion d’intégrer un élève dans une classe belge, de lui apprendre les bases de comportement ainsi qu’un vocabulaire fondamental.

Ce travail représente trois heures par semaine, en compagnie d’élèves qui sont le reste du temps dans des classes traditionnelles. Comme l’explique Houria Mokhtar, le principe est différent des DASPA: «Il ne s’agit plus d’isoler les élèves pour leur apprendre le français. Notre optique, c’est de les immerger dans le milieu francophone, pour avoir un accès plus naturel au français. On estime que des enfants qui ne parlent pas la langue, qui se retrouvent séparés des autres, ne vont pas parler couramment. Notre objectif, c’est qu’ils se sentent bien et qu’ils acquièrent ce que j’appelle le ‘pack d’urgence de vocabulaire’.»

La «séparation» a du bon

«Il n’y a pas de place pour la différence. Tout est structuré et standardisé, et ça ne suffit pas aujourd’hui.» Julie Docq

Un dispositif qui peut paraître insuffisant pour certains et une philosophie de l’apprentissage qui n’est pas partagée par tous. Pour Julie Docq, professeure de français et d’étude du milieu dans les classes DASPA, il faut pouvoir considérer la séparation des élèves primo-arrivants dans des classes spécialisées comme une bonne chose, surtout quand il s’agit d’être à l’aise avec le niveau d’apprentissage: «Ceux qui ne peuvent pas accéder aux classes passerelles peuvent s’orienter vers l’enseignement spécialisé (qui regroupe par exemple les élèves avec un trouble mental léger ou des difficultés cognitives, NDLR). Je comprends bien à quel point c’est dur pour un jeune d’entendre qu’il doit aller dans un milieu habituellement réservé à ceux qu’il considère comme ‘fous’; cependant, ce n’est pas du tout un jugement de valeur. Certains professeurs condamnent aussi cette pratique. Mais il se fait que nos élèves, même s’ils n’ont pas de handicap, ne sont pas traditionnels comparé aux institutions classiques. Ils ont besoin d’encadrement, et là où il y en a, c’est dans l’enseignement spécialisé.» Mais Julie Docq souligne surtout le problème global dans l’enseignement belge: «Il n’y a pas de place pour la différence. Tout est structuré et standardisé, et ça ne suffit pas aujourd’hui.»

À la liste des difficultés s’ajoutent les écoles désintéressées des questions sociales, souvent dans l’incapacité de fournir un enseignement du français aux primo-arrivants. Résultat: certains élèves se retrouvent dans des écoles qui ne fournissent pas un enseignement approprié, ce qui encourage le décrochage scolaire, comme le souligne Julie Docq: «Si, malheureusement, un jeune allophone va à la rencontre d’une école qui n’a pas l’honnêteté intellectuelle de proposer un cursus adapté, il se retrouve immergé dans une classe sans aucun soutien. Déjà qu’en DASPA mes élèves ont du mal à tenir six mois, j’imagine mal comment ils peuvent s’en sortir.» Les classes DASPA, ouvertes dans les écoles sur une base volontaire, sont actuellement insuffisantes face aux vagues de migration. Sur 2.415 établissements secondaires et primaires en Fédération Wallonie-Bruxelles, seulement 83 en proposent[1]. Et 2.318 jeunes primo-arrivants ont fréquenté durant l’année 2016-2017 une classe passerelle DASPA.

DASPA – Le DASPA, ou Dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants, est une classe d’apprentissage intensif du français, mise en place dans certaines écoles, qui va de 12 à 18 mois. Elle accueille les élèves sous certains critères (décret du 17/10/2013):

  • avoir entre 2 ans ½ et 18 ans;
  • soit avoir introduit une demande de reconnaissance de statut de réfugié ou l’être;
  • soit être mineur accompagnant une personne ayant introduit cette demande ou étant reconnue comme réfugiée;
  • soit être ressortissant de la liste des pays de l’OCDE considérés comme «en voie de développement»;
  • soit être reconnu comme apatride;
  • être arrivé sur le territoire belge depuis moins d’un an.

[1] Fédération Wallonie-Bruxelles, «Primo-arrivants DASPA (classes passerelles) – liste écoles», in Enseignement.be. Le portail de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles [en ligne], Belgique. Disponible sur http://www.enseignement.be/index.php?page=26430 (consulté le 18/11/2017).

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