Une direction s’exprime sur la participation à l’école

En Communauté française, la participation des élèves dans leur école est notamment prévue dans la loi depuis 1998, avec le décret instaurant les conseils de participation. Ce qui n’empêche pas un constat mitigé quant aux réalisations concrètes des établissements scolaires dans ce domaine. Quel regard porte la direction d’une école sur cette problématique? Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus au Collège Saint-Michel à Etterbeek afin de voir ce qu’il en était dans cette école du réseau jésuite dont on pourrait douter de prime abord de l’implication dans de tels processus. Une image à nuancer fortement. Didier Xhardez, préfet de la section secondaire, et Nicolas Masson, adjoint du préfet et éducateur, ont accepté de nous accorder un entretien afin de partager leur point de vue sur la question.

 

Il est 15 h 30, un vendredi après-midi, lorsque Didier Xhardez, préfet du Collège Saint-Michel, nous accueille dans son bureau. «Ah, vous n’avez pas oublié!», dit-il d’un ton bonhomme. Les couloirs sont vides, le calme règne en apparence dans les bâtiments: les cours ne sont pas encore terminés. Nous nous déplaçons vers un local à l’étage inférieur, où nous attend Nicolas Masson, éducateur. La discussion peut commencer.
La question des dispositifs participatifs mis en place au Collège est d’emblée abordée. Nicolas Masson dresse un tableau général du système en vigueur: chaque année, dès le début du mois de septembre, ont lieu les élections des délégués, dont le premier rôle est de faire le lien entre les élèves d’une classe et leurs professeurs. Ceux-ci se rassemblent en conseil d’année, où sont abordés, d’une part, les sujets ou projets concrets dont les jeunes de chaque année tiennent à débattre, et, d’autre part, ceux de la direction. C’est au sein de cet organe que les délégués élisent ceux parmi eux qui siégeront au conseil de représentation, l’instance qui permet un dialogue direct entre les délégués qui y siègent – deux par année scolaire – et les membres de la direction, afin de débattre de thématiques plus générales, ainsi que des décisions du pouvoir organisateur (PO). Sans oublier bien sûr le conseil de participation, une assemblée consultative légalement requise qui réunit des représentants du PO, des élèves, des parents et des professeurs.
Une structure qui fonctionne sur la base de boucles de rétroaction: chaque instance est informée des débats et des décisions prises à l’échelon inférieur. Le système se veut aussi efficace et professionnel: ordres du jour, rapports de réunions, propositions officielles par écrit…
Confrontation ou coopération?
Comment se passent dès lors les interactions entre élèves et direction au sein de ces assemblées? S’il est vrai qu’il y a quelques années encore, concède Didier Xhardez, celles-ci fonctionnaient uniquement comme le réceptacle de doléances en tous genres des élèves, les choses ont fini par changer. De plus en plus, les délégués ne viennent plus seulement faire part des plaintes des élèves concernant les problèmes matériels du quotidien, mais soumettent également des initiatives qui, en dehors du cadre scolaire, seraient sans doute qualifiées de «citoyennes», comme le potager de la cour de récréation, entre autres. «C’est cinquante-cinquante», renchérit son adjoint, pour qui «toute objection doit être accompagnée d’une contre-proposition», dans une optique qui se veut constructive. «C’est vraiment l’idée de les responsabiliser», résume Didier Xhardez, qui y met un véritable point d’honneur. Dans le même esprit, les plus grands aident les plus jeunes dans leurs tâches de délégués et les conscientisent par rapport à leurs missions.
À ce sujet, Nicolas Masson insiste aussi sur la maturité dont font preuve les élèves délégués, en ce compris les plus jeunes: «Je suis bluffé par les projets des élèves de 1re et de 2e, construits avec forme et intelligence!» Leurs propositions concernant la pastorale scolaire, la collecte de vêtements en faveur des sans-abri ou la Cellule Amnesty sont nombreuses. Un constat partagé par Didier Xhardez. Cette implication dans la vie de l’école est cependant sans doute aussi liée au contexte familial: certains parents soutiennent plus que d’autres leurs enfants dans ce type de démarches. Des jeunes qui d’ailleurs sont souvent ceux qui ne rencontrent pas de difficultés scolaires particulières, reconnaissent-ils…

 

«Toute objection doit être accompagnée d’une contre-proposition dans une optique constructive. C’est vraiment l’idée de responsabiliser les élèves.»

Nicolas Masson, éducateur, et Didier Xhardez, préfet

Des limites, malgré tout…
Le préfet se montre cependant plus strict quant au volet «plaintes» abordé en conseil d’année et de représentation: «On veut établir, cette année, une liste des choses récurrentes à propos desquelles on dit: ‘Ça ne sert à rien d’en parler’.» Il cite entre autres la demande de vendre des roses à la Saint-Valentin, qui n’a pas abouti pour des motifs écologiques – le Collège est en effet détenteur du label Eco School. La direction tient donc à garder la main sur ces conseils pour définir ce dont il est possible d’y débattre ou non. Ce qui touche aux valeurs fondamentales de l’établissement, par exemple, est non négociable, ainsi que les horaires de cours, les modalités d’examens ou les sorties extrascolaires. En d’autres termes, le projet pédagogique reste fermement aux mains de la direction, à l’inverse de ce qui peut se pratiquer dans des écoles à pédagogie active.
Une attitude conservatrice de la part des directions des écoles de la Communauté française par rapport à la participation des élèves? Messieurs Xhardez et Masson ne sont pas d’accord et insistent sur le fait que beaucoup d’écoles tentent de faire changer les choses et de sortir du mantra: «On a toujours fait comme ça.» Une plus grande autonomie des écoles vis-à-vis du ministère de tutelle rendrait sans doute les établissements plus enclins aux projets participatifs, «car la marge de manœuvre n’est pas très très grande…», déplore l’éducateur.

Des projets qui fonctionnent
En termes de réalisations concrètes, découlant des propositions «citoyennes» des élèves, Nicolas Masson met en avant la création de la «cellule inclusive» qui agit contre les formes de harcèlement et de discrimination, créée par des élèves de rhétorique, et entièrement gérée par eux. L’éducateur n’y joue qu’un rôle de facilitateur: «Ils gèrent leur local eux-mêmes, ils ont leur organisation, je ne fais que les guider.» Le «Bar 5-6» – un espace de restauration et de détente réservé aux élèves du 3e degré – fait aussi partie des projets mis en place depuis plusieurs années sur la base d’une initiative d’élèves et qui fonctionne, semble-t-il, très bien.
La cellule Amnesty International et le journal en ligne des élèves (lire ci-contre) sont encore d’autres exemples de l’implication des élèves dans la vie de l’école. Des projets toujours autogérés: «Les élèves doivent davantage être acteurs et moins consommateurs de l’école.» Un changement de paradigme visant à émanciper et à responsabiliser les jeunes.

«Les élèves doivent davantage être acteurs et moins consommateurs de l’école.»

Nicolas Masson, éducateur, et Didier Xhardez, préfet

 

Quel idéal participatif?
«Le monde idéal de la participation, ce serait d’avoir plus de temps, pour échanger, interagir…», déclare le préfet Xhardez. Nicolas Masson abonde dans son sens: pour lui, c’est aussi une question d’organisation, d’horaires, de planification des cours. Difficile selon eux de dégager du temps supplémentaire, alors que les conseils de classe et de délégués sont déjà tenus pendant les heures de cours et que les programmes scolaires sont volumineux. Sans compter qu’à ces derniers vient s’ajouter l’éducation aux médias, aux nouvelles technologies, à la vie sexuelle… Des missions multiples qui ne rendent pas la tâche aisée, mais qui ne sont pas de nature à décourager ces encadrants.
Le but ultime de la participation, selon eux? Faire des jeunes «des citoyens au service de la société et des autres». Un beau résumé de la finalité de l’enseignement et de la participation en milieu scolaire.

 

Le 8 h 25, la voix des élèves
Parmi les projets autogérés à Saint-Michel, on retrouve le journal en ligne des élèves, le 8 h 25, à propos duquel Nadia, l’une des jeunes rédactrices, nous a accordé un entretien. Composé de sept élèves – un rédacteur en chef, trois journalistes, un responsable com et une éditrice du site –, l’hebdomadaire aborde des sujets variés, allant de faits d’actualité aux tribulations de la vie au Collège, en passant par la critique cinéma. La rédaction est presque entièrement autonome: aucun adulte n’assiste aux réunions hebdomadaires, et les jeunes définissent eux-mêmes leur ligne éditoriale. Les seuls adultes impliqués dans le journal sont l’éducatrice du second degré qui fait office de référente du projet et veille à son bon déroulement, ainsi que Thomas Burion, le bibliothécaire, qui met à disposition leur local de réunion.
«Un journal par les élèves, pour les élèves», tel est le slogan officiel du 8 h 25!
A.V.

 

Par ARTHUR VOET

 

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