«Aimer, commenter, partager»: une nouvelle forme d’activisme?

À l’ère numérique, où les réseaux sociaux sont omniprésents dans la vie des jeunes, peut-on encore résumer leur participation et leur engagement aux actions entreprises dans l’espace public «physique»? Que ce soit à travers des comptes, des pages, des blogs ou encore leurs profils personnels, aujourd’hui les jeunes sont davantage enclins à participer dans l’espace public numérique, et ce notamment sur des plateformes telles que Facebook, Instagram, Twitter ou encore TikTok. Pour en apprendre plus sur cette nouvelle forme d’activisme, nous avons interrogé les pratiques participatives de Solange (étudiante, 21 ans) sur son profil personnel Instagram, ainsi que celles du compte Kilimandjaro, cercle panafricain de l’Université Saint-Louis.

AML:On entend souvent dire que les jeunes d’aujourd’hui participent et s’engagent moins qu’avant. Qu’en penses-tu? Est-ce que justement cette idée viendrait du fait que la participation sur les réseaux sociaux n’est pas vraiment «crédible» aux yeux de l’opinion publique?

Je ne pense pas que les jeunes participent et s’engagent moins, mais qu’ils le font d’une différente manière. On sait que les anciennes générations sortaient énormément dans les rues pour manifester, faire des grèves… On observe moins ça chez les jeunes d’aujourd’hui et encore, selon moi, on peut contester ça juste avec l’exemple des manifestations pour le climat. Mais effectivement, pour pas mal de sujets, les jeunes participent moins d’une manière active et davantage d’une manière passive, donc sur les réseaux sociaux.
Et pour ce qui est de la participation numérique, je ne dirais pas qu’elle est moins crédible aux yeux de l’opinion publique, mais plutôt qu’elle dérange moins le quotidien des personnes. Disons que faire des manifestations et des grèves embête plus qu’un simple partage d’une publication Instagram.
Cette opinion que les jeunes participent moins, je pense qu’elle est surtout véhiculée par des classes plus âgées que nous, parce que personnellement dans mon entourage je vois beaucoup de jeunes se bouger et s’engager pour un tas d’enjeux.

AML:Quel est le plus important, selon toi: la participation «numérique» (aimer, commenter, partager) ou la participation «physique», comme les manifestations, les grèves…?

SOLANGE:C’est assez ambigu. Alors évidemment la participation physique est supérieure, car elle est plus puissante et efficace. Mais on peut tout de même observer que la participation numérique peut aussi avoir un impact important, rien que par exemple avec les pétitions réalisées sur des plateformes numériques qui, parfois, parviennent réellement à faire bouger les choses dans la vraie vie. Donc je pense qu’on sous-estime la force que la participation en ligne peut avoir.

AML:Lorsque tu partages, aimes ou commentes des publications d’activisme, sens-tu que tu «participes» à ce combat? Et est-ce que tu sens que cela a un impact?

SOLANGE:Oui, mais davantage quand je partage, plutôt que quand j’aime ou commente une publication. Là je n’ai pas vraiment l’impression que ça a un «réel» impact. Partager, selon moi, ça a une importance, ça permet d’avertir les autres et de visibiliser une cause. Après, est-ce que mon simple partage a un grand impact? Non, je ne crois pas que ce soit juste mon partage qui change les choses, mais que c’est plutôt l’addition d’une multitude de partages qui a un réel impact. Le fait de voir quelque chose qui se répète et qui est repartagé des milliers de fois, ça peut inciter les gens à s’indigner et à vouloir s’activer.

AML:Au sein du cercle panafricain de l’Université Saint-Louis, quels sont vos objectifs et vos missions à travers le compte Instagram Kilimandjaro?

SOLANGE:On cherche vraiment à promouvoir la culture panafricaine, soit une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des Africains qui aspire à unifier les Africains du continent et la diaspora africaine, et à sensibiliser à différentes questions qui touchent les afro-descendants.

Notre but principal, c’est de créer une communauté dans laquelle les afro-descendants peuvent se reconnaître et s’identifier. Mais on cherche également à informer et éduquer à travers nos publications.

AML:Pensez-vous que les réseaux sociaux soient des outils puissants dans l’activisme «moderne»?

SOLANGE:Oui, très puissants, car ils permettent d’élargir la portée de nos actions. Ils contribuent à diffuser plus vite l’information et à se faire connaître plus rapidement. Rien que l’année passée, grâce aux réseaux sociaux, nous avons par exemple été contactés par la presse belge pour un article.
Les réseaux sociaux permettent vraiment de rendre les publications plus visibles, de voir si le contenu plaît et si les gens s’y reconnaissent. Ça nous donne plus d’influence, de poids et de crédibilité, je pense.

AML:Est-ce que vous sentez que votre compte a un impact dans votre combat?
SOLANGE:Oui, surtout dans la société dans laquelle on vit, il est important que les jeunes issus de la diaspora africaine aient un espace de discussion, de partage, etc. On sent dans les commentaires sous nos publications et dans les messages qu’on peut recevoir en DM (direct message, messages privés) qu’on ne se bat pas pour rien et que ça aide à ouvrir la parole sur certains sujets et de renseigner et éduquer tout le monde également.

AML:La participation en ligne peut-elle se substituer à la participation «physique» (manifestations, actions dans les rues, grèves, etc.)?
SOLANGE:Non, je pense que les deux sont complémentaires, mais l’être humain n’aura jamais autant d’influence qu’à travers des actions et mobilisations «physiques». Je pense que toutes ces actions qui prennent place dans l’espace public physique permettent également de créer du lien social, et ce de manière plus forte que les médias sociaux ne peuvent le faire, même si ces derniers peuvent tout de même rassembler des communautés.

 

 

Propos recueillis par Selen Kaya

 

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