Jeunes et précarité: un accompagnement pare-balles

 

La précarité chez les jeunes est un phénomène en hausse ces dernières années. La pandémie mondiale venant s’ajouter au tableau, on voit apparaître de plus en plus de jeunes en errance. Malgré ce contexte difficile, de réelles solutions sont mises en place par des acteurs clés du milieu associatif, cherchant à fournir aux jeunes des armes pour les protéger de la dureté de la rue.

 

Les jeunes en situation de précarité sont fortement atteints par les conséquences du Covid-19 et ce ne sont pourtant pas les premières personnes à bénéficier d’aides pour répondre à leurs besoins spécifiques. La violence de la rue est une réalité connue, mais, avec l’arrivée du virus, la peur s’est vite installée et a laissé derrière elle un voile d’incertitude sur les jeunes en quête de stabilité.

En 2019, on recensait, parmi les SDF à Bruxelles, un quart de jeunes âgés de moins de 25 ans. Ceux-ci se montrent parfois réticents à rejoindre les lieux d’hébergement et cela s’explique par plusieurs raisons. Pour en citer une parmi tant d’autres, force est de constater que beaucoup de jeunes sont frappés par la toxicomanie et ne peuvent se résoudre à aller dans des centres d’accueil, car il y est interdit de consommer. Il est clair que la jeunesse est un public plus délicat qui nécessite un accompagnement différent et des structures adaptées. S’il y a peu de structures mises en place expressément pour les jeunes, celles-ci ne sont pas cependant pas inexistantes.

Step Forward: un pas vers la reconstruction

C’est le cas notamment du projet Housing first «Step Forward», mené par le Samu social, ciblant les jeunes de 18 à 25 ans. Ce projet, créé en 2015, vise à aider des jeunes sans abri ayant une addiction et/ou un problème de santé mentale à trouver un logement.

Aude Gijssels, responsable de ce programme, explique: «Le but est de procurer un logement aux jeunes en difficulté. Nous travaillons avec une équipe pluridisciplinaire (infirmière, psychologue, assistante sociale, etc.) pour répondre aux différents besoins des jeunes.» La volonté derrière ce projet est non seulement d’apprendre aux jeunes à être autonomes face aux différentes démarches de la vie d’adulte qu’elles soient administratives, professionnelles, juridiques, médicales… mais aussi de montrer les aspects plus agréables de la vie pour qu’au-delà du fait de se prendre en main, la personne prise en charge soit épanouie. Pour Aude Gijssels, «le fait d’avoir un logement permet de résoudre cette problématique, mais il y a d’autres problèmes qui découlent de la rue». C’est pour cela qu’à travers ce projet de housing, il y a aussi un réel travail visant à rompre l’isolement que la vie dans la rue aurait pu créer. Plusieurs activités sont organisées, comme des ateliers d’écriture, ce qui permet de faire des rencontres, de créer de réels liens et de transmettre des valeurs, comme celle de l’amitié. Il y a ici une volonté de déculpabiliser le jeune, qui est fondatrice de ce projet. Elle se traduit à travers les différentes actions qui sont menées avec ce public. Cette envie d’aller au-delà des préjugés a permis d’instaurer un climat de confiance avec une jeunesse qui se trouve parfois en dissonance avec les institutions bruxelloises. C’est pour cela que «Step Forward» offre un accompagnement sur mesure, pour répondre aux différents besoins de ces nouveaux adultes.

Macadam, de l’accueil à l’entraide

À côté de ce projet déjà bien ancré à Bruxelles, l’entrée en activité de l’asbl Macadam arrivera à point nommé au printemps 2021, pour encadrer les jeunes en difficulté. Fanny Laurent, chargée de projet au sein de cette asbl, nous explique: «Macadam est le fruit d’une réflexion de sept associations issues de secteurs différents[1], visant à fournir un accueil complet et sans contrainte à des jeunes de 14 à 26 ans.»

Cette asbl, qui verra le jour dans les environs de la gare du Midi, à Bruxelles, a pour ambition de devenir un espace de confiance pour les jeunes. Les services que Macadam souhaite proposer s’orientent vers un accueil adéquat pour les jeunes, soit un lieu d’écoute autour d’un café ou d’un thé. Un lieu où le jeune pourrait accéder à une douche, une machine à laver et un séchoir, un casier, mais aussi un espace dédié au numérique afin de pouvoir charger ses appareils ou avoir accès à un ordinateur ou un téléphone. À côté de cet accueil, d’autres structures viendraient proposer des permanences pour encadrer les jeunes sur différents sujets, comme la santé mentale ou, potentiellement dans le futur, un accompagnement médical.

Ce que défend l’asbl, c’est le fait que les jeunes ne doivent pas spécialement avoir de projets pour passer les portes de Macadam. L’enjeu est de saisir la demande des jeunes dans un premier temps, ce qui pourrait faire naître une envie d’ouverture vers des formations, la recherche d’un emploi ou déjà estomper les réticences face au monde associatif en général, sans pour autant exercer de pression. La visée de Macadam est donc de constituer un sas d’entrée pour les jeunes vers la société qui pourrait leur sembler inaccessible. «L’adolescence est un âge où on observe beaucoup de changements, c’est aussi l’âge de l’expérimentation. Malgré cela, tout le monde n’a pas la chance d’avoir un filet de sécurité au terme d’une expérience qui aurait mal tourné», explique Fanny Laurent. Un sentiment commun chez certains jeunes en situation de difficulté montre qu’ils ont parfois la sensation d’être incompris du milieu associatif.

Bon droit a besoin d’aide

Le jeune n’a pas toujours le profil le plus facile pour les associations. La fougue de la jeunesse et la soif de tester les limites rebutent certaines associations qui se tournent alors vers des profils «plus faciles» à traiter. On assiste à une forme de jugement de l’adolescent en situation de difficulté pour qui expérimenter serait interdit. Fanny Laurent parle d’une dualité qui pèse parfois sur les jeunes: «D’un côté, l’adolescent se sent parfois infantilisé, il n’est pas traité pas comme un adulte dans ses décisions, mais de l’autre il y a une forme de responsabilisation extrême où l’erreur ne semble pas être permise

Dans ce contexte de crise, ces deux actions, «Step Forward», créée avant le Covid-19, et Macadam, qui ouvrira ses portes au printemps 2021, apportent une aide plus que précieuse aux jeunes en difficulté. En plus de viser un public quelque peu délaissé, ils apportent un réel soutien à la jeunesse mise à mal par la pandémie. Tous sont touchés par cette crise, mais pas de la même manière, et ce type de projets répond à un réel besoin chez les jeunes, qui s’est encore accentué par les temps qui courent.

Penser à demain est une nécessité pour envisager plus de solutions et mettre en place différents dispositifs afin de continuer à aider les jeunes. C’est ce que ces deux projets s’efforcent de mettre en avant. Ils fleurissent dans le contexte d’une pandémie mondiale et fournissent à une jeunesse en difficulté des clés afin d’obtenir un éventail plus large de perspectives d’avenir.

Encadré

Jeunes en errance: on se mobilise

La jeunesse en crise est un fait qui n’est malheureusement pas nouveau et est au centre de débats cruciaux. De plus en plus de projets sont mis en place pour y faire face, mais aussi pour démystifier ce phénomène qui nécessite autant d’attention que d’action.

Le parlement francophone bruxellois s’est réuni à l’automne 2020 pour faire changer les choses auprès des jeunes en errance. C’est au terme d’un travail de plusieurs mois, alliant auditions auprès d’une vingtaine d’experts et débats parlementaires, qu’un rapport parlementaire a pu être écrit afin de mieux accueillir et encadrer les jeunes en errance. Ce rapport a été co-rapporté par Pierre-Yves Lux, du groupe Écolo, et Nadia El Yousfi, du groupe PS. Ce rapport, voté en avril, montre que les choses bougent pour les jeunes en situation de précarité. Le vote de 47 recommandations en atteste, mais il faudra suivre la concrétisation de ces intentions.

Autre initiative, menée de manière participative avec les jeunes: celle du Forum-Bruxelles contre les inégalités qui a diffusé, le 27 mars dernier sur BX1, un documentaire «réalisé par et pour les jeunes en errance». Ce projet a été réalisé dans le cadre de l’asbl Macadam et réalisé par Ad’hoc Machine, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Tous ces projets font sens dans un environnement qui s’est durci avec la crise sanitaire au sein d’un milieu déjà en crise. De plus en plus de choses sont mises en place pour aider les jeunes et tenter de tendre vers un accompagnement encore plus personnalisé à la jeunesse.

[1] Le Forum-Bruxelles contre les inégalités, le service de santé mentale Le Méridien, le Cemo, SOS Jeunes – Quartier libre, Abaka, L’Îlot, la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale.

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