Jeunesse et démocratie participative: quel regard du politique?

Le débat sur la participation directe des jeunes à la vie politique est assez présent ces dernières années. Comment le monde politique bruxellois envisage-t-il cette question, et quelles réponses y apporter? Afin d’obtenir l’avis d’une personnalité politique de la capitale à ce sujet, nous avons rencontré Magali Plovie, présidente du parlement francophone bruxellois et membre d’Écolo.

AML:Qu’existe-t-il actuellement à Bruxelles en termes de processus participatifs et en Belgique francophone, de manière générale?

MAGALIE PLOVIE:Il y a plusieurs types de processus participatifs, mais avec des niveaux différents d’impact des citoyens sur les décisions politiques. Prenons par exemple les commissions délibératives qui ont débuté en 2021, avec cinq commissions jusqu’à présent. Elles sont composées d’un quart de députés et de trois quarts de citoyens tirés au sort, qui débattent d’un thème et formulent des propositions communes, qui seront discutées ensuite au sein de l’hémicycle. Il existe aussi des pétitions: les citoyens réclament d’être entendus sur un sujet, et s’ils sont plus de mille signataires, ils sont invités à la commission parlementaire compétente en la matière, où un échange a lieu avec les députés, mais ça s’arrête là. Récemment, une assemblée citoyenne pour le climat a aussi été mise en place. On voit aussi qu’une commission délibérative va être lancée en Région wallonne…

AML:Qu’en est-il des sujets abordés en commission délibérative?

MP:Cinq thématiques ont été traitées à ce jour. Ce sont toujours des sujets très proches de la vie des citoyens, parce qu’il est plus difficile pour une assemblée citoyenne de faire des propositions sur des problématiques pointues, comme la santé mentale ou la cohésion sociale, que sur des choses plus concrètes, comme la mobilité, les nuisances sonores en ville…
En COCOF (Commission communautaire française), on n’a jamais eu de propositions de sujet de la part des citoyens pour les commissions délibératives, mais les parlementaires en avaient suggéré deux: le premier sujet concernant la gestion des crises, le deuxième sur la formation en alternance, un sujet plus pointu, mais qui a attiré beaucoup de monde et qui a donné de bons résultats. Au niveau de la Région, on a eu trois commissions délibératives: la 5G, le sans-abrisme et la biodiversité en ville.

AML:Serait-il intéressant de mettre en place des processus délibératifs impliquant spécifiquement des jeunes, axés sur les problématiques qu’ils rencontrent?

MP:Je suis toujours tiraillée par ces questions-là. D’un côté, il y a des moments où c’est intéressant de demander l’avis des jeunes, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, mais le problème, c’est qu’en procédant de la sorte, on scinde la société. Ce qui m’ennuie, c’est quand on dit que les problématiques qui concernent certaines catégories de personnes ne doivent être discutées qu’avec ces personnes-là. La force de la délibération, c’est de pouvoir discuter avec des gens qui ont une autre vie, une autre vision, et c’est pour ça qu’il est important d’avoir un panel regroupant tous les âges, toutes les générations, etc.
D’un autre côté, on peut imaginer une non-mixité à propos de certains sujets dans la phase qui prépare les citoyens aux débats en commission. Par exemple, en ce qui concerne la pauvreté, c’est important de discuter d’abord avec les personnes en précarité dans un lieu où elles sont en confiance, où elles osent s’exprimer sans crainte d’être jugées. Mais il est important de passer par un moment où toutes les personnes se retrouvent pour débattre, parce que c’est cet échange qui est enrichissant et qui permet de prendre les décisions qui impliquent toute la société.

«La force de la délibération, c’est de pouvoir discuter avec des gens qui ont une autre vie, une autre vision,

et c’est pour ça qu’il est important d’avoir un panel regroupant tous les âges, toutes les générations.»

Magali Plovie

 

AML:Est-il important que les jeunes s’impliquent aussi davantage dans les processus classiques de la démocratie représentative, tels que les élections? Ou l’idéal à viser est-il celui d’une démocratie directe?

MP:Aujourd’hui, on ne peut pas dire: «C’est l’un ou l’autre!» Moi, je vois vraiment les limites du système représentatif, donc je prône évidemment davantage de participation citoyenne, mais, à l’heure actuelle, les deux doivent coexister et être complémentaires.Concernant les jeunes, il est important, vu les enjeux actuels, qu’ils apprennent le plus tôt possible la culture de la participation, à l’école notamment, en leur apprenant la démocratie concertative, c’est-à-dire la concertation au sein de la société civile, avec les corps intermédiaires, ce qu’on a tendance à oublier. La démocratie, ça n’est pas que les élections, la séparation des pouvoirs, et le Parlement. L’intérêt des corps intermédiaires, c’est qu’il y a une forme de collectif qui émerge, qui permet l’acquisition ou la protection de droits.

AML:Certains jeunes n’ont pas le temps de participer, car ils sont aux études ou trop pris par le travail. D’autres ne se sentent pas concernés, de par la précarité ou le manque de bagage éducatif. Comment résoudre ce problème?

MP:Dans les commissions délibératives, le but n’est pas de n’avoir que des gens d’un certain niveau d’éducation: si c’est pour recréer de l’élitisme, ça n’est pas intéressant. Par contre, pour les allochtones ou les personnes illettrées, il faut prendre des mesures pour leur permettre l’accès à ces commissions, et il s’agit avant tout de mise en confiance et d’accompagnement, car ces personnes ne se sentent souvent pas légitimes.
Je prône aussi l’instauration de congés de citoyenneté qui permettent aux gens de venir participer en semaine. Pour les étudiants, c’est certes plus complexe, mais il est possible de se concerter avec les écoles, afin d’obtenir des dérogations.

AML:Est-ce que la problématique de la participation politique des jeunes se pose différemment à Bruxelles qu’ailleurs, au vu de sa population très jeune?

MP:On a une spécificité bruxelloise, liée à une population très jeune et très multiculturelle. Il faut profiter de cette richesse pour alimenter le débat démocratique. Cela nécessite un accompagnement spécifique pour certains publics, entre autres les jeunes, mais c’est plutôt une richesse que d’avoir une population jeune et multiculturelle pour mener ces débats.
Oui, c’est plus compliqué, ça demande du temps, ça nécessite des moyens, mais le résultat final est incroyable! C’est ce qui me rend résolument optimiste.

 

Propos recueillis par Arthur Voet

 

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